Sunday, November 23, 2008

Aimanté par la peine.


Lorsque les amants décident mutuellement que le changement de leur rapport passera par le mot d'ordre suivant: « pas de souci, pas de pesanteur, chacun dans son coin », il est possible (réflexion a posteriori) que leur choix n'a pas été pris pour éviter la souffrance personnelle, mais pour éviter celle de l'autre. À la limite, souffrir pour soi en solitude est une façon de se soigner de la maladie, une convalescence. Lorsque la souffrance vient de l'autre, on ne voit pas les confins d'une maladie qui, dans un rapport ouvert (mais rapport encore présent), entame celui qui ne souffrait pas.
Mais non pas seulement à cause du fait que la souffrance de l'autre est infiniment insaisissable en elle-même - et qui donc est source d'impasse silencieuse par soi. Ce que ce mot d'ordre apprend, c'est aussi que j'en suis responsable – et cela pour autant qu'elle ne dépend pas de moi sa souffrance, mais toujours de ses attentes, de ses projections, de son vivre-les-choses-pour-elle. D'ici surgit la responsabilité paradoxale, et donc une nouvelle souffrance, déliée de situations, souffrance pour l'autre, recherche d'un pardon en retard sur sa requête.
Lorsque elle souffre, je ne touche pas à sa douleur. Qui devient la mienne, mais en tant que peine, tournant souvent en culpabilité.
Si elle guérit, je ne sentirai pas ce soulagement, et c'est moi qui tombera dans cette souffrance, la plus féconde, qui est de l'ordre de l'incompréhensible.
Si elle en meurt moralement, je survivrai dans une douleur aussi, cette fois-ci asssassine.
Si elle s'égare, je souffrirai du souvenir que ma boussole n'a jamais indiqué le nord.
Il n'y a point de solution.
Il vaut mieux souffrir pour soi; tel sera le cas, de toute manière, même si par réflexe.
Avec, ou mieux sans mot d'ordre.

No comments:

Sappho

Sappho
"Morremo. Il velo indegno a terra sparto,/ rifuggirá l’ignudo animo a Dite, / e il crudo fallo emenderá del cieco / dispensator de’ casi. E tu, cui lungo / amore indarno, e lunga fede, / e vano d’implacato desio furor mi strinse,/ vivi felice, se felice in terra / visse nato mortal" (G. Leopardi, Ultimo Canto di Saffo)

Sehnsucht

Sehnsucht
Berlinale 2006